Combattre le harcèlement de rue : Réflexions d’une harcelée chevronnée
10 habilités dans la musette d’une harcelée chevronnée
Irene van der Zande – Fondatrice de Kidpower
Par Irene van der Zande, Fondatrice Kidpower et Directrice Exécutive
Comme la plupart des femmes, et de quelques hommes aussi, je suis une « vétérane » du harcèlement de rue.
Le harcèlement de rue n’est pas un phénomène nouveau!
Il y a environ 40 ans, j’avais une vingtaine d’années et je voyageais seule à travers l’Europe. Habillée d’un t-shirt tie-dye et de jeans élimés, le monde entier était mon ami.
J’ai vécu une expérience fantastique, si ce n’est que ma confiance en moi a été émoussée par de grossiers mâles qui pouvaient:
- Faire des bruits suggestifs ou menaçants comme geindre, embrasser, siffler, gronder, sucer ou grogner.
- Fixer intensément du regard.
- Se donner des coups de coude entendus, rire et montrer du doigt.
- Faire des avances sexuelles du genre “On dirait que tu as besoin d’un homme” ou ” Mademoiselle, tu veux m’épouser?” ou simplement ”Tu veux baiser?”
- Faire des gestes sexuels comme pomper l’air explicitement au niveau de l’entrejambe, sucer des parties de leur corps ou lécher l’air.
- Faire des gestes menaçants comme couper la gorge avec la main ou mettre les doigts en forme de revolver et faire semblant de tirer
- Faire des remarques désagréables du genre “Hé, regardez la jolie poupée!” ou “ Chérie, tu ne devrais pas être là toute seule!” ou encore “Laisse-moi juste te montrer quelque chose.”
- Essayer de prendre mon bras ou ma main pour m’ ”aider” malgré moi, tenter de me pincer avant de s’enfuir, ou de me peloter anonymement dans le bus ou le métro bondés aux heures de pointe.
- Me suivre, traverser la rue quand je traverse, puis disparaître si je rentre dans un magasin ou si je rejoins d’autres personnes.
Même si le pire a été quand je voyageais plus jeune, j’ai subi le harcèlement de rue dans bien des lieux publics au fil des années. Que ce soit en allant travailler, en faisant les courses, en randonnée dans les bois ou juste en me baladant dans mon quartier. J’ai même été harcelée plusieurs fois par des hommes en voiture dans la voie d’à côté alors que je conduisais pour rentrer chez moi, le soir, après avoir enseigné un atelier de self-défense.
Le harcèlement de rue n’était déjà pas un phénomène nouveau il y a 40 ans. Mais, à cette époque, il n’avait pas de nom et beaucoup de gens n’y voyaient aucun mal. Ils pensaient alors, comme beaucoup de gens le pensent encore maintenant, que ce comportement intrusif, impoli et quelquefois menaçant était invité ou même provoqué par les femmes qui en faisaient les frais.
Les personnes qui harcèlent dans la rue se disent que:
- « C’est un compliment »
- « C’est juste une blague…un jeu…une taquinerie innocente »
- « Elle ne demande que ça vu la façon dont elle s’habille ou son look »
- « Si elle est là, c’est qu’elle le mérite ! »
- « Il le mérite à se comporter comme un gay »
- « Elle le mérite à se comporter comme une gouine »
- « Je fais de mal à personne, je dis juste ce que je pense! »
- « Je m’amuse un peu, c’est mon droit »
Trop souvent, les femmes non accompagnées d’un homme dans les lieux publics sont considérées comme “des cibles faciles”. Trop souvent, le harcèlement de rue dégénère en viol ou meurtre. Récemment, d’après la police, une femme qui marchait dans la rue, dans le quartier de Tenderloin à San Francisco, a été abordée par un homme qui lui a demandé de coucher avec lui. Devant son refus, il lui a tailladé le visage et poignardé le bras.
Le harcèlement, sous n’importe quelle forme, est comme une pollution. Il se peut qu’il ne vous envoie pas à l’hôpital ou qu’il ne vous tue pas sur le champ mais il affecte votre qualité de vie.
Ignorer le harcèlement de rue ne l’arrêtera pas et peut provoquer un mal être du côté des victimes. D’un autre côté, se confronter directement au harceleur peut être dangereux.
Alors, que peut-on faire sur le coup lorsqu’on est victime de harcèlement de rue? Et que peut-on faire pour changer les mentalités pour que ce comportement devienne aussi inacceptable que de déféquer en public au milieu de la rue en milieu de journée? Comment faire pour inciter les gens dans la rue, à échanger des salutations amicales et respectueuses?
- Etre attentif
Si tu fais attention à ton environnement, tu peux repérer les menaces potentielles plus tôt et les éviter le plus souvent.
Montre toi attentif, calme, respectueux et plein de confiance en toi. Avoir l’air d’ignorer la situation, d’avoir peur ou d’être timide augmente le risque d’être considéré comme la victime. Être agressif peut amener d’autres remarques désobligeantes et se transformer en confrontation physique. Au contraire, il faut dépasser sa colère ou de sa peur, et garder un visage neutre, poursuivre sa route d’un bon pas, en continuant à regarder autour de soi.
- Éviter un contact visuel direct
Fixer quelqu’un dans les yeux peut être interprété comme une invitation à aller plus loin – ou comme faire preuve d’agressivité. Au lieu de cela, garder un regard posé, sans fixer personne en particulier, tout en veillant à regarder autour de soi, en scrutant par exemple l’espace derrière le harceleur ou à ses pieds. Ainsi, il comprendra que tu sais qu’il est là, même sans contact visuel direct.
- Changer ses plans
Mieux vaut perdre quelques minutes pour éviter une expérience désagréable. Si tu sais qu’un groupe de harceleurs est souvent près d’un chantier ou devant tel café, traverse la rue ou change ton itinéraire.
- Gérer ses déclencheurs émotionnels
Protège tes sentiments en imaginant jeter les mots insultants à la poubelle et en te soufflant quelques mots positifs. Filtre la douleur provoquée par les remarques moqueuses des harceleurs tout en restant conscient de leur comportement. Tu ne dois rien aux harceleurs et cette situation est loin d’être le meilleur moment pour les éduquer.
- Saluer cordialement quand tu penses être en sécurité
Dans certaines situations, j’ai arrêté net les harcèlements en souriant et saluant de la main. Tout en continuant à marcher d’un bon pas, j’ai répondu: “Salut, il fait beau non?” Les harceleurs en sont restés bouche bée et ont répondu timidement “salut”. Si quelqu’un te fait des avances inappropriées, tu peux simplement les ignorer ou continuer à marcher et sans t’arrêter sourire, saluer de la main et dire” non merci!” d’un ton enjoué.
- Se défendre
C’est tout-à-fait normal de vouloir se défendre. Pendant mon voyage, après avoir été surprise une fois de trop par des hommes qui me pinçaient puis s’enfuyaient à Rome, je me suis mise à me balader avec mon sac rempli d’objets lourds, prête à le balancer sur le prochain homme qui essaierait de me pincer. Un jour, un Américain qui avait dû penser que les Italiens avaient de bonnes idées s’approcha dans mon dos. Je me suis retournée brusquement et mon sac lui heurta le bras. “Hé, pourquoi fais tu ça?” cria-t-il indigné. Je répondis sérieusement, “et toi, qu’est-ce que tu crois faire?” Après cette histoire, le harcèlement ne cessa pas mais les hommes arrêtèrent de me pincer. Était-ce parce que j’étais plus attentive? Ou parce que je me montrais plus confiante et moins vulnérable?
A l’heure actuelle , nous vivons dans un monde plus violent et le fait de taper cet homme aurait pu le rendre plus agressif. Plutôt que de se défendre, le réflexe le plus sûr est de s’éloigner si possible et de se diriger vers des personnes qui peuvent nous aider. Cependant, il arrive qu’il faille se battre pour s’échapper. Et comme je l’ai découvert, avoir appris à se défendre pour être en sécurité augmente la confiance en soi, ce qui peut éviter le harcèlement.
- Dénoncer publiquement l’agression
Quand une main anonyme dans la foule à l’heure de pointe a attrapé mon sein dans le métro de Paris, j’ai essayé de la repousse, sans succès ! Alors, je me suis mise à donner des coups de coudes et à piétiner les pieds des personnes qui m’entouraient (innocentes ou non), réussissant enfin à dégager cette main. Depuis, des femmes m’ont appris une méthode plus sûre et plus efficace : remonte ta main pour attraper la main coupable, soulève-là en l’air, tordant un doigt vers l’arrière si besoin, et crie : “A qui est cette main? Elle était sur mon sein!’
- Insister pour se faire aider
Rappelle-toi le principe fondamental de Kidpower. Ta sécurité est plus importante que l’embarras, le désagrément ou la colère de l’agresseur. Si tu ne te sens pas en sécurité, dirige-toi vers d’autres personnes, interromps les vendeurs occupés et explique que tu te sens menacée. Même si tu ne te sens pas mise en danger physiquement, être harcelée peut fragiliser ta sécurité émotionnelle. Parles-en à tes amis. Contacte les services locaux pour savoir où et comment signaler le problème. Si tu continues à te sentir vulnérable et anxieuse, consulte un conseiller professionnel.
- Agir collectivement
Si le harcèlement se produit régulièrement aux mêmes endroits, agir collectivement plutôt qu’individuellement sera plus sûr et plus efficace. Discute avec les voisins et travaille avec les associations de quartier pour identifier les endroits à risque, demande l’aide de la police, approche les employeurs ou les entreprises et parle-leur des problèmes, pour une recherche commune de solutions.
- Trouver des alliés masculins
D’expérience, la majorité des hommes sont des personnes aimables et respectueuses, qui ont du mal à imaginer que les femmes vivent dans un monde différent du leur. La plupart du temps, ils ne remarquent même pas le harcèlement dont les femmes sont victimes.
Peu de temps après m’être mariée avec Ed, le Hollandais rencontré pendant mon long périple en Europe, nous étions en vacances pour deux mois dans les îles grecques. Un jour Ed fût surpris de me voir prendre un chemin plus touristique et plus long pour aller au marché. “Oh, Je ne prends pas le raccourci, c’est la rue où des hommes me harcèlent”. Curieux, Ed me demanda de prendre le raccourci que j’évitais d’habitude et de marcher quelques pas devant lui. Dès que je fus éloignée de lui, il vit avec colère et stupéfaction, des hommes s’agglutiner autour de moi comme des mouches. Il me rattrapa en 2 minutes et les hommes disparurent comme par enchantement. “C’est tout ce que tu voulais voir? “ demandai-je. “J’en ai vu assez!” gronda Ed “ce n’est pas juste!”
Ed est mon partenaire dans la vie comme avec Kidpower, depuis la naissance de l’organisation.
Pour s’entraîner en toute sécurité à ses habilité, venez à notre prochain atelier et changez votre vision et combattre le harcèlement de rue.
Pour les adultes, un atelier Fullpower est le plus adapté et pour les adolescents, un atelier Teenpower.
Super témoignage et précieux conseils ! Brabo